Scénario d’occupation, températures de consignes,…Bien souvent l’usage diffère de celui qui avait été considéré lors des phases de conception.

L’usage du bâtiment est souvent un facteur prépondérant pour tendre vers l’objectif de consommation prévu initialement. Bien souvent, les réglages sont réajustés en fonction des remontés des usagers, voir modifiés par ceux-ci directement. Ces remontées sont souvent relatives à la notion de confort et il n’est pas rare d’observer des températures de consignes bien supérieures à celle considérées dans le calcul prévisionnel. Mais dans beaucoup de situations, selon le type d’émetteurs de chaleur, il est possible que cette augmentation de la température soit nécessaire pour obtenir une température ressentie satisfaisante. Ce constat conduit généralement à une augmentation des consommations par rapport à un scénario prévisionnel peu réaliste ou peu représentatif des conditions thermiques réelles d’usage. Nous illustrons ceci au travers d’un exemple d’un projet neuf performant.

Exemple d’un projet neuf performant : construction d’une nouvelle mairie.

  • Surface : 1913 m²
  • Niveau de performance : BBC RT 2005
  • Mise en service : 2015
  • Chaudière gaz à condensation
  • CTA double flux, couplée à un « labyrinthe thermique » (couloir béton à forte inertie dans lequel transite l’air extérieur avant d’arriver dans la CTA). Le labyrinthe permet d’abaisser la température dans le bâtiment en période chaude et d’éviter la prise d’air extérieur directe trop froid en hiver

La consommation de chauffage issue du calcul réglementaire RT2005 est de 17.1 kWhep/m².an ce qui est très ambitieux. Rappelons que les résultats de la RT2005 sont liés aux hypothèses conventionnelles du moteur de calculs ThCE2005. Parmi ces hypothèses conventionnelles, nous pouvons d’ores et déjà préciser que :

  • le labyrinthe thermique n’est pas pris en compte,
  • la température ambiante en occupation est de 19°C,
  • le chauffage pris en compte dans le calcul ne peut pas être assuré en base par un système statique et en appoint par un système dynamique, ce qui est le cas de ce projet

Par définition, la RT2005 ne constitue donc pas une évaluation réaliste des consommations énergétiques, même si elle peut servir de base comparative dans un premier temps. Une simulation thermique dynamique (STD) a donc été réalisée afin de simuler le comportement thermique du bâtiment. La consommation de chauffage issue de cet outil a été évaluée à 21 kWh/m².an. Après deux ans de fonctionnement, nous pouvons faire une analyse comparative avec les consommations réelles (pour une rigueur climatique identique soit 2342 DJU) : les consommations réelles de chauffage en 2016 et 2017 sont stables, avec 51 kWh/m².an, soit + 143% par rapport à la consommation prévisionnelle issue de la STD, et + 200% par rapport à la consommation théorique issue du moteur de calcul RT2005

Une enquête auprès des usagers du bâtiment a été réalisée afin de mieux identifier leur ressenti. L’analyse des questionnaires a montré qu’une sensation de courant d’air relativement généralisé était responsable d’un inconfort thermique non négligeable en hiver. Les diffuseurs d’air à jet inclinés dans les bureaux étaient orientés directement vers les usagers (la sensation de confort peut être altérée pour des vitesses supérieures à 0.15m/seconde même avec une température ambiante de 20°C). Pour tendre à régler ce problème, la température de consigne de soufflage d’air a d’abord dû être augmentée.

Des mesures de températures en hiver 2017 ont mis en évidences les conséquences de cet ajustement avec une température ambiante diurne moyenne de 23°C dans la plupart des bureaux. Cela représente 4°C supplémentaires par rapport à la consigne réglementaire de 19°C considérée pour le calcul prévisionnel. Cette augmentation de la température de consigne, nécessaire ici pour parvenir à une situation de confort acceptable, représente une consommation supplémentaire de chauffage de l’ordre de 28%.

Ramenée à une consigne fictive de 19°C, la consommation de chauffage s’élèverait à 36 kWh/m².an.

Après ces deux premières saisons de chauffe, les diffuseurs d’air des bureaux ont été remplacés par des terminaux à jet horizontal afin que la vitesse de l’air dans la zone d’occupation de la pièce soit la plus faible possible. Cela a permis de réduire la température de soufflage pour un confort identique.

Cette modification a entrainé une baisse de la consommation pour arriver à une valeur de 43 kWh/m².an. pour une même rigueur climatique soit une optimisation de 15% par rapport à la consommation moyenne des années précédentes.

Ce décalage entre la conception technique et la perception des usagers quant au comportement du bâtiment est souvent peu considéré dans les phases de conception et pour  l’estimation des consommations prévisionnelles. Il est pourtant nécessaire de bien appréhender et anticiper cette perception des usagers dans leur futur environnement afin de ne pas sous-estimer les consommations réelles nécessaires au maintien du confort des occupants. Ces phénomènes étant difficilement modélisables lors de la conception d’un projet, il est judicieux de s’appuyer sur les retours d’expériences des opérations récentes et comparables à celle-ci.